Dolphinophilie : l’histoire d’amour cosmique entre un homme et un dauphin

« We might imagine one dolphin saying to another, “Darling, you do have the cutest way of twitching your sinuses when you say you love me. I love the shape of your vestibular sacs.”

– Dr. John. C. Lilly, Man and Dolphin, 1967

Floridaland 1970… Zach repense à Ruby, la dauphine, tandis que le soleil couchant donne aux eaux bleues de l’Atlantique une teinte sombre. Pourquoi songe-t-il tant à cet animal ? Il ne l’a vu qu’une seule fois, le jour où il est venu prendre quelques photographies pour illustrer l’album du parc aquatique, rien de plus ! Pourtant le regard échangé avec le magnifique mammifère l’a plongé dans des abîmes de stupeur et les yeux qu’ils posent désormais sur la mer ne sont plus les mêmes. Sans cesse, il imagine les tribus de dauphins qui la parcourent, se glissent dans les eaux obscures et sondent les profondeurs de leurs radars suraigus, s’appelant les uns les autres, criant « Je suis là ! », « Viens me voir », « Reste près de moi », chassant, se nourrissant, quittant les profondeurs pour respirer et replongeant inlassablement pour faire l’amour. Plus il y pense, plus Zach est envahi d’une mélancolie étouffante. Qu’est-ce qui lui arrive ?

Zach existe. Le vrai nom du héros du roman Wet Godess (2009) est Malcolm Brenner. Et Ruby s’appelle en réalité Dolly. Actuellement sujet d’un documentaire présenté à Sundance, « Dolphin Lover », Malcom Brenner affirme avoir eu des relations sexuelles consenties avec Dolly, un dauphin en captivité dans le parc aquatique de Floridaland pendant près de neuf mois, en 1970.

Aujourd’hui âgé de plus de 60 ans, Malcom milite pour une reconnaissance de certaines formes de zoophilie, insistant à longueur d’interviews qu’il n’a jamais eu l’intention « de tomber amoureux d’un mammifère de 200 kilos »… Menacé par les associations de protection des animaux, Malcom nie avec énergie avoir fait du mal à Ruby. C’est le dauphin qui a, le premier, manifesté ses désirs sexuels pour lui, affirme-t-il. Mais comment peut-il être si sûr que cet animal, doué de raison mais pas de parole – l’aime et le désire ?

Je vous propose de plonger avec Zach dans les eaux troubles de sa relation zoophile, au travers d’extrait du roman The Wet Godess, sur fond de LSD, de communication astrale et d’amours très humides. Âmes sensibles s’abstenir.

Puceau, je ne l’étais pas seulement par manque de partenaire, insiste Zach. A cette époque, la sexualité humaine l’attire modérément et c’est à peine s’il mentionne l’expérience « peu satisfaisante » qu’il a eue avec une demoiselle après une séance de cinéma où il s’est ennuyé devant « L’Eclipse » d’Antonioni : « J’étais juste reconnaissant qu’elle ait levé la malédiction, j’avais déjà 19 ans » se souvient-il. Etudiant aux Beaux Arts, Zach est recruté pour photographier les dauphins du parc voisin de Floridaland – aujourd’hui fermé. Tout bien pesé, le récit de ses amours zoophiles est bien plus romantique que la description lapidaire de son dépucelage.

Ruby l’intrigue immédiatement, et pas seulement pour son corps d’animal des mers. Lors de leur première rencontre, Zach est stupéfait de l’intensité avec laquelle le dauphin le regarde. Lorsqu’il discute avec la dresseuse de Floridaland, en compagnie de Ruby, il constatera avec effarement que la femelle « a retenu son souffle pendant tout le temps de la discussion ». Réminiscences zoophiles du « Et leurs yeux se rencontrèrent » de Flaubert dans l’Education Sentimentale, la rencontre de Zach et Ruby rentre dans les standards du coup de foudre : les regards échangés, la sensation d’inconfort, le doute sur les sentiments ressentis… D’autant plus que Zach ignore tout à fait ce qu’il ressent – et comment interpréter le regard de cette créature si différente de l’être humain, qu’est le dauphin. Car Zach est fasciné par l’animal : Ruby comprend tout, j’en suis sûr, se dit-il, avant de se changer d’avis et d’admettre que, malgré la force du regard du dauphin, rien ne lui permet d’interpréter ce que ressent l’animal à l’aune de ses sentiments humain. Anthropomorphisme coupable.

Conflit intérieur qui n’empêche pas Zach de ressentir une attirance certaine pour Ruby, la dauphine:

Soudain, Ruby surgit entre deux vagues et se roula sur le côté droit pour regarder hors de l’eau. Son oeil gauche se posa sur moi et n’en bougea plus alors que son corps glissait dans le courant. Le soleil scintillait. Je respirais les embruns à plein poumon. Je poussai un soupir derrière l’oeilleton de mon appareil […] aujourd’hui, j’ai beau retourner la photo dans tous les sens , son regard me paraît toujours semblable : claire, serein, calme et pénétrant. Et surtout, j’ai beau essayer de ne pas le voir, je ne peux que constater que c’est moi qu’elle regarde, et personne d’autre.

Mais comment se manifeste l’appétit sexuel des dauphins ? Zach n’a pas vraiment le temps de se poser la question : dès ses premières visites à Floridaland, il raconte que les dauphins isolés dans leur enclos sont littéralement en chaleur et particulièrement la pauvre Ruby, qui n’a aucun mâle à se mettre sous la dent. Un jour, le dauphin trouve une sorte de tuyau en plastique dans son enclos et joue avec d’une manière que Zach trouve étrange. Quand il interroge la propriétaire, elle lui explique, le plus simplement du monde : « Bien sûr, elle le tourne dans les sens en espérant que ça… hop ! Elle l’utilise comme un godemichet. C’est une espèce très intelligente, tu sais ».

Que le dauphin soit un animal désirant ne fait plus aucun doute, mais qu’il désire avoir des relations sexuelles avec un humain, qui plus est avec Zach, est un tout autre problème. C’est la primordiale question du consentement. Comment établir un dialogue inter-espèce pour vérifier de la réciprocité du désir, et que ce désir soit « renseigné », c’est-à-dire capable de saisir ce à quoi une telle relation expose l’animal. On lui oppose aussi le risque de blessure. L’inadaptation des organes sexuels peut en effet peut meurtrir l’animal. Même avec un animal aussi imposant qu’un dauphin, la zoophilie peut confiner à la maltraitance.

C’est ce que l’on reproche le plus souvent à Malcolm Brenner : le dauphin ne peut pas clairement manifester son accord et l’inadaptation des organes sexuels peut causer des dommages irréparables, même avec un dauphin.

L’argument opposé par les partisans de la Zoophilie à cette problématique est l’idée de la « Zoophilie inversée ». Certains zoophiles, à défaut de pouvoir démontrer le caractère « naturel » et « consentant » de leurs ébats avec leur partenaire animalier, soutiennent que certains mammifères ressentent les mêmes pulsions zoophiles qu’eux, ou plutôt, qu’ils ressentent eux aussi une attirance sexuelle pour d’autres espèces que la leur. C’est la reversed bestiality, ou zoophilie inversée. Cela revient à dire que, si c’est l’animal qui a commencé, c’est lui qui est coupable de zoophilie et non l’humain. C’est le cas typique du chien qui se frotte à un mollet ou, fréquent dans le cas des dauphins, de « désir » manifesté par des mâles, dans la mer, sur des nageuses – cas dont on trouve pléthores de témoignages écrits et vidéos sur internet.

Les dauphins violent-ils ?

Le mot violeur est souvent prononcé, et l’on retrouve beaucoup de récit allant dans ce sens dans les médias : un dauphin « violant » des dauphins femelles, des dauphins violeurs pédophilesvioleurs homosexuelsvioleur d’humains nageurs, ou même ce canular prétendant que les dauphins enlèvent des enfants pour les violer dans des caves aquatiques. Ca fait froid dans le dos, et ça ne s’arrête pas là. L’idée est si répandu que le dolphin rapist est devenu… un mème.

Mais, selon Justin Gregg, journaliste scientifique et auteur de « Are Dolphin Really Smart ? », il s’agit bel et bien d’un mythe sans réel fondement : « Le mot viol ne peut pas être utilisé pour décrire ce genre de comportements observé chez les dauphins. Le problème central qu’il pose, c’est que la définition du viol est juridique, et implique une absence de consentement chez la victime, ce qui est impossible à définir chez les dauphins […]. En zoologie on parle donc de copulation forcée. Or, la copulation forcée a été observée chez les canards, les lézards, les singes, les mouches, les criquets, les orang-outan, les chimpanzés… mais pas les dauphins ! »

Mais le même argument qui empêche de ranger les dauphins dans la catégorie des « violeurs » a une autre implication : la difficulté/impossibilité d’établir le consentement chez le dauphin qui serait cible d’une avance par un humain. Sur ce point, le Dr. Mark Griffith relève un témoigne intéressant sur le site Vivid Random Existence. L’auteur, zoophile assumé, livre un témoignage pour le moins osé :

Il n’y a rien de mal à avoir des relations sexuelles avec un dauphin, du moment qu’il est consentant ! Son consentement, l’animal l’affirme non par des mots, mais par le langage du corps […] De plus, lorsqu’un dauphin désire avoir des relations sexuelles avec vous, il le manifeste par des signes extrêmement clairs. Selon plusieurs sources que j’ai trouvé sur le net, de nombreuses personnes ont été témoins de l’excitation sexuelle de certains dauphins à la vue d’êtres humains… Des humains ont déjà fait l’amour avec des dauphins, et d’après ce que ces personnes racontent, les deux participants (humains et dauphins) ont été très satisfait de cette délicieuse interaction… […] Bien sûr, en raison du tabou associé à la zoophilie, la zoophilie inversée que ressentent les dauphins n’est jamais discutée dans les médias mainstream.

Omerta et complot contre les amoureux de la nature ? Certains le pensent : selon Mark Griffith, la dolphinophilie existe bel et bien chez une minorité de zoophiles. La réalité de ce fantasme est confirmée par la recherche académique, cependant : « de la même manière que pour les herpétophiles ( les zoophiles amateurs de sexe avec des lézards), l’animal ne pouvant donnant son consentement tout en sachant exactement à qui et à quoi il s’expose, cette activité sexuelle est moralement condamnable ». Le Dr. Griffith cite à ce sujet le Dr. Denise Herzing, du Wild Dolphin Project : « Glorifier les interactions sexuelles entre l’homme et une autre espèce est néfaste à la santé et au bien-être de toutes les espèces animales. Cela met la santé et l’intégration sociale du dauphin à son espèce en danger ».

Dans la mythologie grecque, Zeus prit la forme d’un cygne pour la séduire Léda, fille de Thestios (roi d’Étolie), et épouse de Tyndare.

Et là, Ruby le dauphin s’arrête devant moi, souffle, plonge et commence à frotter mes sneakers avec ses nasaux. Doucement, elle progresse autour des chevilles, puis frotte mes mollets et mes genoux, faisant se mouvoir son bec sur la peau entre mes cuisses, qui est très chatouilleuse. Cependant, la caresse de Ruby ne provoqua pas d’éclat de rire chez moi.
Ensuite, avec le plus complet self-control et la plus entière délicatesse, elle commença à titiller mon entrejambe avec son rostre. En dépit de la température glaciale de l’eau, je fus surpris de trouver cette sensation très érotique, mais si j’ignorais complètement s’il s’agissait là de son intention.
Je ne me souviens pas d’avoir été embarrassé. Cela n’était pas douloureux. Mais je ne pouvais me départir de l’impression qu’elle faisait tout son possible pour m’exciter sexuellement, et que, de toute façon, elle y parvenait drôlement bien ! »

Les dauphins sont-ils, eux-même, des zoophiles ? C’est ce que cherche à donner à penser le récit de Malcom Brenner, alias Zach, qui insiste souvent sur ce point : c’est le dauphin qui a commencé. C’est le dauphin qui, à plusieurs reprises, a cherché à développer un contact de nature à la fois ludique et sexuel. Un point de vue qu’il défend même dans les commentaires de son blog :

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Comment faire l’amour avec un dauphin femelle ?

Pour mieux comprendre de quoi nous parlons, posons la question qui tue : Comment faire l’amour avec un dauphin femelle ?

Dans son récit, Brenner donnait quelques détails de la relation de Zach et Dolly, mais il était resté discret quant à ce qu’il s’était réellement passé jusqu’au documentaire présenté à Sundance récemment. Selon lui, Dolly se trouvait dans un bassin en compagnie d’un mâle, dont elle s’écarta pour s’assurer d’avoir un peu d’intimité avec Brenner. Après 30 minutes de préliminaires, caresses diverses ainsi que décrites plus haut, Brenner pénétra la cavité vaginale de l’animal qu’ildécrit comme une complexe série de valves. L’acte ne fut pas des simples à réaliser : il eût à se positionner verticalement alors que le dauphin restait, lui, à l’horizontale. Quoiqu’il en soit, rapporte le magazine américain Vice, Brenner décrit une expérience délicate et érotique. Selon lui, ils sont parvenus tous deux à l’orgasme. Nous n’avons pas d’informations disponible sur ce qui permet à Brenner de faire cette assertion, et il est impossible d’interroger un dauphin pour savoir si oui, ou non, il a pris son pied.

Vous pouvez aisément trouver des guides pour faire l’amour à un dauphin sur internet. Car Brenner est loin d’être seul dans son cas : en 1991, un Anglais du nom d’Alan Cooper fut accusé d’avoir masturbé un dauphin nommé Freddie, en public, à Northumbria. Il fut relaxé, faute de preuve du caractère sexuel de l’acte, les dauphins utilisant souvent leur pénis pour des activités de sociabilisation avec le groupe – « Salut ça va ? » « Moi, ça va super ». Pour autant, comme le rappelle le Dr. Mark Griffith, les sites expliquant comment faire l’amour à un dauphin sont relativement faciles à trouver. Ils indiquent comment trouver un dauphin, comment déterminer si le dauphin a envie de sexe, comment le motiver si besoin et, bien sûr, comment exécuter la suite …

Vous serez sans doute intéressé d’apprendre que les relations hétérosexuelles, avec pénétration, entre un dauphin mâle et une femme humaine sont vivement déconseillées par le meilleur guide que l’on peut trouver sur la toile, sur le site Sexwork, et que c’est aussi le cas de tout rapport anale :

WARNING! In the considerations of safety, you should NEVER let a male dolphin attempt anal sex with you. The Bottle-nose dolphin member is around 12 inches, very muscular, and the thrusting and the force of ejaculation (A male can come as far as 14 feet) would cause serious internal injuries, resulting in peritonitus and possible death. Unless you are the masochistic type, you will have a hard time explaining your predicament to the doctors in the emergency ward…. ».

Autre point important que le zoophile ayant rédigé ce guide prend soin de rappeler, si les préliminaires sont importants pour le dauphin, les caresses post-coïtales le sont tout autant « One thing to note. Whether you masturbate or mate a fin, male or female, always spend time with them afterwards. Cuddle them, rub them, talk to them and most importantly, and show them you love them. This is essential, as it helps to strengthen the bond between you. Like a way of saying that this wasn’t just a one night fling. The dolphins appreciate it, and they will want your company more the next time you visit them. ».

Pour conclure sur ce point « pratique », revenons à Zach/Brenner, que nous avons laissé heureux d’avoir été « choisi » par un animal aussi magnifique que Ruby, le dauphin. Il affirme ne ressentir aucune honte. Bien moins que lors que, à 12 ans, il sentit une forte excitation sexuelle à la vue d’un chien sur un écran cinéma. Voici la façon dont il décrit sa relation avec Ruby :

Des nuages couvraient le ciel, l’atmosphère baignait dans un halo gris et brumeux. Du nord, une brise montait en vaguelette jusqu’à la plage. Lorsque nous nous sommes arrêtés au milieu de l’enclos, c’était comme si nous étions les seuls êtres vivants à des milliers de kilomètres à la ronde. C’est à cet instant que je me rendis compte que je pouvais avoir des relations sexuelles avec elle. Ici, maintenant, au milieu de l’enclos. Nous étions à découvert, à la vue de tous, mais j’étais sûr et certain qu’il n’y avait strictement personne pour venir nous regarder.
Un bras toujours autour de Ruby, je dézippais ma combinaison de plongée du haut jusqu’en bas. J’avais déjà un début d’érection. Quelque chose en moi tremblait d’une excitation étrange ; quelque chose d’autre avait l’impression d’être dans un songe, un rêve lointain, détaché, flou. Je n’arrivais pas à croire que je m’apprêtais à faire ce que j’allais faire. Ruby, elle, ne bougeait plus du tout. Tenant mon pénis, je le glissais dans son orifice, espérant trouver le chemin vers son vagin par chance. Doucement, Ruby commença à nager.Je me mis à pousser plus fort, mais quelque chose m’en empêcha, comme s’il n’y avait pas véritablement d’entrée, juste une petite tranchée.
Soudain, je pris peur. Et si quelqu’un me voyait ?

Si vous souhaitez vraiment avoir d’autres témoignages, je vous invite à vous rendre sur Beast Forum ( . com ). Attention, c’est tout à fait explicite. Le Tryangle n’ira pas plus (trop) loin.

L’âme des dauphins : John Lily, piscine & marteau-piqueur

Honoré de plaire à Ruby, Zach a toujours été fasciné par les dauphins – et pas seulement sexuellement. Depuis son enfance, cet animal sympathique et joueur qu’il a découvert en 1964 sur l’écran de la télévision familiale avec la série Flipper, occupe une place de choix dans son imaginaire.

Dans les années 70, le dauphin symbolise la possibilité pour l’homme de renouer le dialogue avec le monde naturel. Plus encore, ce mammifère incarne l’idée d’une liberté animale enchaînée dans les parcs aquatiques, amenée à se libérer de l’industrie aliénante de l’entertainment capitaliste. Le dauphin est un symbole New Age de jeunes liberals amoureux de Gaïa. Zach, jeune étudiant des années 70 qui consomme assidumment les drogues hallucinogènes en vogue, ressent pour les dauphins une fascination qui n’est pas uniquement d’ordre sexuel. Il raconte avoir été marqué par une couverture du magazine Life où un scientifique en chemise à fleurs écoute des dauphins, muni d’immense oreilles en plastique : c’est John C. Lilly, excentrique chercheur mythique des années 70’.John C. Lilly, illustre et excentrique chercheur en neuroscience, menait des expériences financées par la NASA pour communiquer avec les dauphins via un Apple II, du LSD et de la zoophilie, le tout dans le but – entre autre – de se préparer à un éventuel contact extraterrestre. Ce chercheur hors norme fut d’abord célèbre pour avoir inventé le caisson d’isolation, un sarcophage rempli d’eau permettant de garantir la plus parfaite privation sensorielle au sujet. Les expériences extrêmes auxquelles il s’est livré dans ses caissons ont fait l’objet de nombreuses conjectures et fantasmes, qui inspireront notamment le film de Ken Russel : Altered States.

Dans une interview pour le magazine People en 1976, Lilly décrit sa méthode d’exploration en caisson d’isolation : « L’idée est de vous séparer complètement de la société au profit de la solitude et du confinement d’un caisson contrôlé scientifiquement […] dans une eau suffisamment chargée en sel pour permettre la flottaison idéale de vos mains, vos pieds et de votre tête, libéré de toute vision, de tous sons, des gens et de l’univers. De cette manière, vous pouvez enfin découvrir l’univers à l’intérieur de vous ». Imaginez un instant de rester ainsi, dans le silence et l’obscurité la plus totale, entièrement immergé dans l’eau… l’homme revenant à son état de poisson, puis d’esprit, sentant les limites de son être s’abolir entre l’eau du caisson et celle de son propre corps. L’expérience se présente tout autant comme un moyen d’étudier le cerveau pour les scientifiques restés en dehors du caisson que comme un moyen empirique d’explorer l’esprit pour le chercheur isolé à l’intérieur.

Quel rapport entre les caissons d’isolation et le dialogue avec les dauphins ? C’est le rêve de trouver, au fond de l’esprit des êtres vivants, un langage commun. Une langue dont nous puiserions les mots dans ce qu’il y a de plus universel dans l’esprit. De plus profond. Cette langue primaire fait écho des recherches linguistiques particulièrement en vogue dans les 70’, lorsque de nombreux chercheurs bravèrent l’interdiction des Sociétés de linguistique pour rechercher la première langue de l’humanité, pré-Babelienne. John C. Lily cherche plus loin qu’une première langue humaine, il veut une langue d’avant la division du vivant en espèce. La langue ultime qui pourrait permettre de dialoguer avec des êtres aussi étrangers que les dauphins et, pourquoi pas, avec une espèce extraterrestre ?

Grand lecteur de John C. Lilly, Zach essaie très vite de discuter avec Ruby le dauphin. Il essaie de reproduire les conversations entre Margaret Howe Lovatt, l’une des scientifiques de l’équipe de Lilly, et de Peter, le Dauphin :

A ma grande surprise, ce qui avait pris des semaines à Margaret How et Peter le dauphin, Ruby et moi y arrivions déjà avec comme tout outil, une simple balle en plastique :
– Dis « Rooo-beee » !
 ##, RR%%-@@EEE!
Je n’arrive pas à en croire mes yeux. Je voulais l’entendre encore et encore.
– Dis « Rooo-beee » !
– ###, &&*****! %%%%%#### RRRRrrr^^^^###!”
L’imitation humaine de Ruby s’interrompit et elle commença à répéter ya-ya tout en m’éclaboussant, hochant la tête joyeusement, le bec ouvert.
– Hey ! Qu’est-ce qu’il y a ? Dis « Roo-bee! »
– ###&&&&&aaaRRRR, @@@@@dddd! Eeeee… dit-elle avant de reculer et de m’adresser un sonore “kEEEorrrOOOP!”
Sans trop savoir pourquoi, j’eus le besoin inexplicable de l’imiter à mon tour, comme elle semblait l’exiger.
– KEEEorrrOOOP!

Dans l’expérience de Lilly, Peter le Dauphin et Magaret Howe étaient suspendus sur un lit au-dessus de la piscine pour leur permettre de converser. Comme elle le raconte dans le documentaire de la BBC, The Girl who talked to dolphin, le travail commença immédiatement et Margaret tenta, d’apprendre à Peter à la saluer : « Hello Margaret ». Apparemment Peter aurait eu du mal à prononcer la lettre M, mais un autre problème avait « surgit ». Peter était visiblement excité par la proximité de Margaret et, à priori, l’excitation sexuelle n’est pas propice à des leçons de français, notamment lorsque Peter, au lieu d’écouter Margaret, se frottait compulsivement contre sa jambe. Margaret expliqua qu’elle se résolu, au nom de la science, à masturber Peter pour qu’il reste concentré – un geste qu’elle présente comme anodin, « sexuel pour le dauphin » mais « pas pour elle ». Pour autant, elle admet dans le documentaire avoir vécu une « rencontre rapprochée » avec Peter le dauphin dont elle parle comme un des grands amours de sa vie et qu’elle répugne à qualifier de « dauphin ».

Des années plus tard, Lilly fera les premiers essais de langage synthétisé par ordinateur pour communiquer avec les dauphins en adaptant le langage humain à des fréquences bien plus élevées. Mieux, il conçut le design pour un laboratoire flottant dans lequel humain et dauphins pourraient concevoir ensemble un langage commun. Ant Farm, un collectif d’architecte et d’artistes d’avant-garde, ont repris ce design pour contribuer à un mouvement que d’aucun qualifie de Zoopolitique.

Après le temps de l’utopie vint celui du cauchemar. Alors que l’expérience progresse entre Margaret et Peter, Lilly, impatient, décide de donner du LSD aux dauphins. Margaret s’oppose à ce que l’on en donne à Peter, mais les deux autres dauphins reçoivent plusieurs injections. A la grande déception de Lilly, cela ne produit aucune réaction malgré l’utilisation d’un marteau-piqueur pour faire réagir les dauphins plus ou moins hébétés dans leur bassin. Epuisé, Lilly n’en démord pas e conclut tout de même que les dauphins ont eu « des supers bon trips ». Conclusion, c’est ainsi qu’on fait avancer la science dans les années 70 : avec du LSD, de la Zoophilie et des marteaux-piqueurs.

Dans Wet Godess, Zach, grand admirateur de Mind of a Dolphin de John C. Lilly, fût vertement tancé par les dresseurs du parc qui considéraient Lilly comme un tueur de dauphins. Pour eux, le LSD auraient troublé leur réflexe respiratoire et les auraient conduit se noyer. Quant à Peter, il fut séparé de Margaret et placé dans un bassin minuscule. Selon certains, il ne fut plus jamais le même et mourut dix mois après qu’on l’aie privé de Margaret. Le dauphin se serait-il laissé mourir, le coeur brisé ? Le contact avec Margaret a t-il déréglé certains comportements naturels de l’animal ?

Cela paraît d’autant plus crédible que Ruby, le dauphin de Zach, mourra lui aussi quelque mois après son dernier contact avec lui – après avoir été placé dans un autre enclos, dans un autre parc…

Trans-genre, trans-espèce : la zoophilie, une expérience de sortie de corps ?

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Et si c’était non pas à nous mais… aux dauphins de nous apprendre quelque chose ? John C. Lily voulait utiliser les dauphins pour concevoir un langage en cas de rencontre avec une intelligence extra-terrestre. Mais a-t-il pensé, un seul instant, que les dauphins puissent être, eux-mêmes, une forme de vie extraterrestre bien plus évoluée que l’humain ? Derrière le sujet de la zoophilie – et de la question du consentement animal – se dissimule peut-être le fantasme d’entrer en contact avec une espèce plus évoluée que la nôtre. Dès sa première rencontre, Zach, utopiste hippie et amateur de paradis artificiels, voit dans Ruby un être supérieur à l’être humain, et le premier sentiment qu’il partage avec son lecteur n’est pas l’excitation sexuelle – mais l’honneur d’avoir été « choisi » par le dauphin. Face au silence de l’animal et à sa propre culpabilité, qui croît à mesure que nait le désir interdit, le récit de Wet Goddess prend une tournure inattendue.

Zach entend une voix dans sa tête. Persistante. Après plusieurs jours, il finit par s’adresser à elle :La seule explication que je pouvais trouver à cette voix persistante paraissait totalement paranormale, impossible, même à moi.
– Es-tu… c’est toi… Ruby, le dauphin ?
L’entité s’illumina d’affection, me douchant d’une onde chaleureuse.
– Voilà ! Tu as trouvé ! Tu sais réfléchir, en fait !
Il y avait une note à la fois bienveillante et exaspérée dans sa voix, comme si, après avoir passé des heures à enseigner à un animal adorable, mais stupide, un petit tour, elle y était finalement parvenu.
Génial, pensais-je, aussi discrètement que possible, maintenant j’ai un dauphin qui nage dans mon esprit. Puis je m’adressais à elle : « Alors, tu es vraiment Ruby ? »
Oui, c’est moi ! se réjouit-elle encore.
– Ok, alors prouve-le moi.
– Tu ne me crois pas ?
– Non, en vérité, je ne te crois pas.
– Mais pourquoi ?
– Ca me paraît un peu fortuit, franchement, si tu vois ce que je veux dire ! Tu es Ruby, le dauphin ? Et, comme par hasard, tu as un don de télépathie ? Comme par hasard ! Cela paraît bien trop beau pour être vrai !
– Tu as beaucoup de problème à admettre les choses évidente, en fait.

bookcover25Les dauphins sont naturellement télépathes, lui explique alors Ruby, et pour cause : leur cerveau est plus grand et, à bien des égards, bien plus complexe que le cerveau humain. Pourquoi n’aurait-il pas des sens que nous ignorons ? Ruby convainc alors
Zach de son intuition sur une conscience océanique qui unirait tous les mammifères marins tandis que Zach s’enthousiasme à l’idée que cela ressemble beaucoup à ses expériences sous LSD : « Flotter dans un monde fait d’échos, ne penser qu’à sa respiration, ne rien posséder, tout partager, avoir toujours une partie du cerveau en éveil, les dauphins semblent avoir été conçus pour à la spiritualité ». Il en conclut que le pouvoir d’établir une conscience océanique, sorte de nirvana marin New Age, est le don des dauphins, par la grâce de la sélection naturelle… ou d’autre chose.

La zoophilie du roman Wet Godess propulse d’autres fantasmes : le rêve d’une union inter-espèce, où l’être s’affranchit de ses limites et de son apparence pour plonger dans un océan où il n’est plus qu’un esprit. Le dauphin devient alors unemétaphore de l’âme libéré du corps. L’eau est souvent qualifiée de « lubrifiant » – pas seulement pour sa portée sexuelle, mais plutôt le caractère immatériel du corps du dauphin. Insaisissable. Et alors que Zach et Ruby sont en plein étreinte, l’eau les empêche de vraiment se saisir l’un de l’autre : « Tenter de faire l’amour avec elle était comme une confirmation permanente de la Troisième loi de la gravité de Newton : toute action de ma part suscitait une réaction égale dans l’autre sens de sa part ». La scène de sexe dolphinophile ressemble, pour finir, à un spectacle de derviche tourneur.

Levi-FAXXXDe la zoophilie à l’expérience astrale de sortie de corps, Ruby propose finalement à Zach de l’accompagner dans l’océan. Le jeune homme termine son joint, ferme les yeux et devient soudain un dauphin nageant dans l’océan en compagnie de Ruby. Et si, en cherchant à communiquer au-delà des espèces pour trouver un langage commun, il n’y avait rien d’autre à trouver qu’une infinie farandole d’animals partouzeurs sous la mer ?

« Nous nagions aux frontières d’un gigantesque rassemblement de dauphins. Sur le moment, je ne parvins pas à compter, ni à mesurer les distances, mais à bien y penser, il devait y en avoir un millier, peut-être plus, nageant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et formant un vertigineux tunnel qui n’émergeait qu’un instant de l’eau pour que chacun reprenne son souffle avant de se précipiter à nouveau vers les profondeurs. L’eau vrombissait d’appels étranges, cris et craquètements, et elle était rendue épaisse et pâteuse par les innombrables liquides corporels.

Dans la ruche immense de dauphins enchevêtrés, tous les mâles, toutes les femmes sans exception, faisaient l’amour ou s’amusaient, tête à l’envers, à ces jeux sexuels réservés aux animaux des océans.