Catch : essai de tératologie d’une usine à freaks

Gwen Boul est un homme passionné. Il a choisi le Tryangle pour partager ses découvertes étranges et ses plaisirs musicaux et télévisuels inavouables.

Chers lecteurs, cela m’aura pris du temps mais, aujourd’hui, prenant mon courage à deux mains, je me dois de vous faire une confession : j’aime… le catch…

Je vous vois déjà, votre regard consterné et légèrement peiné. Vous demandant comment un être d’une telle qualité a t-il pu sombrer dans le culte de cette pratique réprouvée par la morale. Et ce allant même jusqu’à passer plusieurs semaines à réaliser un article graphique sur ce sujet. Comment ? Pourquoi ? Est-ce transmissible ? Est-ce curable ? Vous le saurez après ces quelques messages publicitaires.

Si une brume enveloppe depuis mon cerveau quant aux détails exacts de ma rencontre fatidique avec le catch, je me rappelle encore de ce moment où, attablé un midi pour le repas familial à la fin des années 80, j’eus l’outrecuidance de changer de chaîne pour en tester une nouvelle : Canal +. Et de tomber nez à nez sur une empoignade d’anthologie du style de la vidéo ci-dessous.

Je n’eus que quelques secondes pour m’en mettre plein les rétines – le temps que mon père me lance un regard navré et change de chaîne pour, en bon chef de famille, suivre les infos – mais cela me suffit pour devenir accro. C’était too much, over the top (rope) et les gens dans la petite lucarne se mettaient des gnons à n’en plus finir. Pour un gamin d’une dizaine d’années élevé aux Chevaliers du Zodiaque et à Ken le Survivant (et bientôt contaminé par L’Oeil du Cyclone sur la même chaîne cryptée), c’était le nirvana. Je guettais alors fébrilement chaque mois les horaires pour ne pas en perdre une miette, quitte à me réveiller parfois à 7h du matin juste pour ça.

Le catch m’a accompagné ainsi durant mes solitaires années de collège, y compris manette à la main, que cela soit sur Nes ou sur ce cher Atari ST.


WWF Wrestlemania 1995, le jeu qui permet d’enchaîner des combos sans fin.

Avec le lycée et l’arrêt de sa diffusion sur Canal, je laissais cette passion honteuse de côté. Mais quelques années plus tard, avec Internet et la possibilité de suivre à nouveau ces héros en slip à paillettes, je rechutais.

Pire. Voilà maintenant que je cherchais à trouver une légitimité à cette occupation. A me persuader que le catch était un prisme fantastique pour observer la société américaine. Que balayer d’un revers de la main un divertissement qui fait autant de chiffre d’affaires que le basket, le football américain et le baseball réunis, était une erreur digne d’un lecteur de Télérama.

Et, tout comme ma rencontre avec Nanarland avait conforté ma lubie pour le cinéma fauché et maladroit, voici que je tombais il y a quelques années sur la Mecque du divertissement sportif : Les Cahiers du Catch. Un site qui, outre de me permettre de suivre les péripéties hebdomadaires de mes héros, avait la grande qualité de coucher noir sur blanc mes réflexions restées à l’état larvaire. Et me sentir un peu moins… Moins… Gnn. Gnn. Dzzt. Dzzt. Mais que se passe t-il ? Mon clzavié neuh répond plus ccorrrectmeeent. Jeuuuh perds leuuuuh contrôôôle…

Merci Hulk ! Bon. Où j’en étais moi ? Hmm, ah oui ! Je disais donc que, de la place des Afro-Américains à la politique intérieure américaine, en passant par son influence sur la culture populaire ou les ravages du dopage, le catch était bel est bien un objet d’observation passionnant ! C’est ainsi qu’après plusieurs mois de réflexion, je suis arrivé à casser la solitude honteuse qui caractérise le fan de catch en France. Et je me suis lancé dans ce projet d’article graphique (Oui, je finis par arriver quand même à la raison première de ce papier).

Le ridicule dans le catch, qui me vaut les lazzis de mes propres amis, n’est que la manifestation de son lien avec un autre monde, celui du cirque. Coloré, simple, le cirque cherche avant tout à divertir 1. Pouvoir enlever le temps d’un spectacle son costume d’homme sérieux, logique, critique. Suspendre son incrédulité comme on le fait en allant au cinéma voir John McClane sauver le Nakatomi Plazza. Et renouer avec des sentiments enfantins, comme le rire, le frisson ou l’admiration.

Et le plaisir de voir deux types se foutre sur la gueule.

Mais tout cela vous le comprendrez, je l’espère, en lisant cet article graphique (et pour ceux qui n’ont pas des yeux bioniques, il vous suffira de cliquer sur l’image pour l’agrandir) :

Double page 1 :

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Double page 2 :

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Double page 3 :

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Texte, dessin : Gwen

Notes:

  1. Et sur la notion de divertissement, ou plutôt d’entertainment, Rafik Djoumi en parle très bien ici