Petite histoire du complotisme anti-jésuites

Les Jésuites sont peut-être l’Ordre le plus controversé. Le plus international, le plus éjectable aussi : expulsé du Portugal en 1759, de France en 1762, par exemple. Pourquoi ont-ils suscité tant de haine, au point d’avoir à se terrer dans des endroits mystérieux ?

Pourquoi détester le Jésuite ?

Peut-être d’abord pour leur sadisme supposé. Une chanson de Béranger, parmi les plus entendues au 19ème siècle, une sorte de Lady Gaga d’époque, a pour refrain – ce sont les Jésuites qui parlent :

« c’est nous qui fessons et qui refessons les jolis petits, les jolis garçons ».

Attention, rien à voir avec la pédophilie des prêtres. Au contraire, il s’agit de moines.

C’est aussi parce que la Compagnie de Jésus, qui tenait alors le rôle que les complotistes attribuent de nos jours aux Illuminatis, a fait de la duplicité et du mystère un credo, un signe d’élection. Le chef des Jésuites, le Général, qu’on appelle le Pape noir, dédouble la hiérarchie vaticane. Et pour citer René Rémond, historien spécialiste :

« Le noir est leur couleur. Ils recherchent l’ombre, se réunissent de préférence la nuit, observent le silence ».

Leur hiérarchie tryangulaire, schématisée ici, ne pouvait manquer d’intéresser le Tryangle :

Mais ce qui frappe plus encore, lorsque l’on pousse la recherche, c’est le caractère souterrain de la conspiration jésuite à travers les âges. Le « peuple jésuite », comme on disait il y a deux siècles, « moitié renards, moitié loups », car « alliance de la ruse et de la voracité », œuvre autant à la surface qu’en profondeur.

Nous en arrivons au point nodal de cette réflexion. Une découverte a en effet plongé le Tryangle dans un mystère plus noire que le vêtement jésuite : un passage de la chanson de Béranger.

« Hommes noirs, d’où sortez-vous ? –Nous sortons de dessous terre. »

A la recherche des Jésuites

Les Jésuites sont des êtres souterrains. Pas seulement loups, renards, dindons ou corbeaux, animaux qui leur sont associés, non, car leur bestiaire inclut aussi… la taupe.

Le Tryangle pensait, au départ, à propos de ces déplacements secrets dans des tunnels sous la ville, qu’il s’agissait d’une image, d’une métaphore, pour désigner la duplicité de « l’Ordre Double ». Des textes anciens, comme les Mémoires d’un jeune jésuite, ou conjuration de Montrouge, développé par les faits (1844) (Montrouge étant le siège historique de l’Ordre de Jésus en France), posent la question de la religion des Jésuites :

« La seule religion qu’ils aient, est cette folle et singulière ambition de faire du monde entier un Empire unique, soumis aux lois de leur Général ; Rome serait la capitale de ce chimérique royaume »

Le Jésuite en effet n’est pas un homme, mais un robot, ce dès le 19ème siècle. Ainsi, avant la robotique, Michelet affirmait, dans Des Jésuites :

« quelle est la nature du jésuite ? Aucune ; il est propre à tout : une machine, un simple instrument d’action n’a pas de nature personnelle »

La pieuvre jésuite mange à tous les râteliers, François Génin, auteur lui aussi des années 1840, attire notre attention sur une certaine « confrérie d’enfants, où l’on donne un sou par semaine, pour racheter les petits Chinois que leurs parents donnent à manger aux cochons »

Ainsi, l’émissaire du Tryangle que je suis, moi Abel Ben Essaïd, a écumé les bibliothèques, et multiplié les lectures pour parvenir à l’incroyable découverte suivante : la nature souterraine des Jésuites n’était pas une pure figure de style.

Paris est sillonné de réseaux souterrains, révélant une véritable « toponymie maudite » (Réné Rémond). Le siège des Jésuites, à Montrouge, mais aussi le collège de Saint-Acheul, près d’Amiens, tenu par des Pères de la Foi, en fait des « Jésuites déguisés » (ibid), étaient supposément reliés à tous les lieux de pouvoirs par un réseau resserré et complexe de galeries souterraines, lesquelles avaient pour point nodal le passage d’Enfer, près de Denfert-Rochereau. Les cataphiles témoigneront de leur existence. Le réseau souterrain des hommes noirs n’a cependant jamais été (publiquement) confessé.

D’où mes difficultés. J’ai cherché sur internet et dans les archives, confirmation, ou infirmation, de ces rumeurs d’époque. Mes recherches furent infructueuses. Rien n’aurait donc filtré ?

Mais, coïncidence ou non, il se trouve qu’un des premiers théoriciens de la Terre creuse, idée selon laquelle la Terre est tissée de galeries souterraines, contenant d’autres mondes, est un Père Jésuite, Anathasius Kircher, auteur d’un Iter extaticum secundum, mundi subterranei prodromus, ou voyage souterrain, en 1657.

Il fut écrit un an après un autre opus décrivant un concert donné par trois luthistes, à la suite duquel Kircher fut transporté en un voyage extatique à travers les sphères des planètes :

La Terre creuse de Kirchner

L’orgue divine ou l’harmonie universelle

On ne peut malheureusement conclure, et établir le plan du repère souterrain des Jésuites. Mais il faut noter que, dès Kirchner, la duplicité jésuite a pris une autre dimension, qui va au-delà des critiques faciles des anticléricaux : il faut l’avouer, l’Ordre est bien double, céleste et subterranéen.

La puissance de l’ordre double

Continuons. Comment ne pas voir dans le renouveau des hypothèses sur la terre creuse ( ici, par exemple : Théorie de la Terre Creuse et la Nasa ) qui postule que les OVNIS ne peuvent venir que de « dessous la terre », un avatar du mystère de l’Ordre double ?

Les éléments, sous l’influence jésuite, tendraient à se rapprocher et à se confondre, comme dans le chaos originel du premier jour de la Genèse.

Terre et ciel, terre et mer aussi : on lit sur bien des forums qu’on aurait ordonné à l’amiral Smith, qui était Jésuite lui-même, de couler le Titanic pour tuer trois hommes très riches comptant parmi les passagers, hommes qui se seraient opposés à la création de la Réserve Fédérale l’année suivante. Pour plus d’explications sur les rapports entre les Jésuites et la Fed, qui les financerait, regardez cette édifiante vidéo complotiste :

La puissance de l’Ordre double n’étonnera aucun paranoïaque digne de ce nom, pas plus que ceux qui pensent que la réalité de dessous la terre est la grande inspiratrice de toute élévation religieuse. Des photographies, commentées de façon pertinente, comme celle-ci, offrent une intuition de la profondeur de l’abîme qui entoure l’Ordre de Jésus :

Aucun optimisme n’est permis à ce jour, tant que le Pape noir n’a pas abattu ses cartes. Pour aller plus loin, le Tryangle vous propose la contribution infâme d’un vidéaste amateur :

Et pour finir, une note de jésuitisme :

« D :- Est-il permis de désirer une mauvaise action ou de s’en réjouir, à cause de l’avantage qui doit en résulter ?
R : – Il n’est jamais permis de désirer une mauvaise action ou de s’en réjouir, quelque soit l’avantage qui doit en résulter ; ainsi un fils ne peut se réjouir du meurtre de son père, à cause de la riche succession qu’il en retire. Mais il est permis de se réjouir d’un avantage, quoiqu’il résulte d’un mal ; par exemple, un fils peut recueillir avec plaisir la succession que lui procure le meurtre de son père ».

Abrégé en forme de catéchisme du cours complet d’instruction chrétienne, Abbé M.V. Marotte, vicaire général de Mgr l’évêque de Verdun, 1865