Quand il n’y a plus de nuages, Dieu tombe-t-il ?

Les Gaulois avait peur que le Ciel leur tombe sur la tête. En toute logique, ces barbares ignorants auraient dû, de surcroît, craindre la chute de Dieu (las, la Bonne Nouvelle ne leur était pas encore parvenu). Tranquillement assis dans un nuage en compagnie de son équipe, le Seigneur doit subir les aléas de la météorologie. Mais alors, quand il n’y a plus de nuages, Dieu tombe-t-il ?

C’est la question que nous a posé Mallock, vainqueur du premier concours de “Questions qui ne se posent pas” organisé par le Tryangle. Voici notre réponse.

Prémices mythologiques & météorologiques

Au commencement, le paradis était plutôt «jardin». Les mythes mésopotamiens et judaïques privilégiaient l’Eden, ce jardin légendaire dont les métaphores agraires permettaient la rédaction de nombreuses paraboles valorisant le «croissez et multipliez» et le développement d’une mentalité de la graine. Ce n’est qu’avec les pères de l’Eglise Tertullien et Jérôme de Stridon, et en latin, que le paradis se divise en deux : terrestre et celeste. Malgré l’improbabilité de la chose, le moyen Âge appelle «nue» les nuages et leur donne une portée théologique : la «nuée mystique», le «voile de Dieu» … On observe encore aujourd’hui la fortune de cette binaire dans les représentations folkloriques suivantes ( figure a, b et c) :

Images non-contractuelles.

Mais l’observateur exigeant ne pourra que tiquer face à ces représentations dont la rigueur scientifique prête à discussion. En effet, comment expliquer le maintien d’une structure permettant d’accueillir la Maison de Dieu sur de l’eau condensé à l’état gazeux ? Pire encore, quel type de “nuage” peut-il bien conserver l’imperméabilité permettant de dissimuler le Paradis au regard de nos contemporains qui les scrutent ? Réfléchissons donc troposphériquement, il faut d’ores et déjà exclure les types de nuages les plus communs :

Cirrus, cirrocumulus et Altocumus

Ni Cirrus, ni cirrocumulus, ni Altocumus ne peuvent soutenir et dissimuler Dieu. C’est bien évidemment derrière des nuages à développement verticaux, capables de se former sur plusieurs étages, qu’un Dieu cachotier pourrait vivre en tout tranquilité, il s’agit donc des Nimbostratus, Cumulus et Cumulonimbus :

Cumulonimbus, Cumulus et Nimbostratus

Mais, faute d’un renforcement au ciment, on ne voit pas bien comment Dieu pourrait tenir en permanence derrière un nuage. Aucun avion ne s’étant, à ce jour, écraser sur un nuage, on peut établir l’hypothèse (jusqu’à preuve du contraire) qu’aucun cumulus n’a été renforcé de manière artisanale par de divines mimines.

Pour autant, Dieu étant, de source sûre, dans le ciel et comme il paraît évident qu’il ne se cache pas derrière le nuage, alors – par conséquent – Dieu est un nuage. Logique.

La théorie du «Cycle de Dieu»

Voilà la théorie du Tryangle : quand il n’y a plus de nuage, Dieu tombe et cela se nomme “la pluie”. Si l’on prenait au pied de la lettre la définition de Dieu : «Dieu est partout, Dieu est en nous» ; alors qu’est-ce qui y correspondrait mieux que l’eau ? L’homme en est composé à 70% et c’est l’élément vital premier de tout être. On ajoutera que l’un des premiers symboles religieux n’était autre que le poisson.

La substance divine étant l’eau, il est tout naturel que Dieu tombât, s’évaporât et se condensât. En somme, qu’il fût sujet au cycle de l’eau :

Comme représenté sur ce schéma, Dieu subit la «précipitation» lorsqu’il perd sa forme ; il infiltre les nappes phréatiques de nos campagnes ( nous ne nous attarderons pas sur l’épineuse question de l’effet des pesticides sur la santé de Dieu ) : puis rejoint l’océan, s’évaporant lentement avant de se recondenser en nuage. Cette découverte est d’autant plus importante que cela donne une tout autre portée au travail de Météo France, d’essence éminemment théologique.

Pour ajouter un point de vue industriel à cette démonstration, nous ajouterons que c’est aussi le cas de GDF-Suez, ancien fief de Jean-Marie Messier.

Jean-Marie Messier, prophète d’un Dieu potable

Quelles sont les implications d’un dieu aquatique ? Il aurait fallu pouvoir interroger Jean-Marie Messier qui, selon le romancier Aurélien Bellanger dans La Théorie de l’Information, n’est pas loin de souscrire à une telle théorie. Le romancier imagine un dîner entre Jean-Marie Messier, Thierry Breton, Thierry Bellanger et Thierry Erhmann, quatre géants de la cyberculture française. Messier y rêve alors de prendre le poste qui fera de lui un homme célèbre :

Le catholicisme avait toujours été une religion terrestre, […] Mais un élément se distinguait tout particulièrement pour Messier : l’eau purificatrice du baptême. Alors que son parcours professionnel lui ouvrait triomphalement les portes du capitalisme français, Messier ne convoitait ainsi qu’un seul poste, celui de PDG de la Compagnie générale des eaux. Ce serait pour lui un acte apostolique : il offrirait l’eau vive à des millions de personnes.

Mais Bellanger va plus loin en imaginant que toute une théologie de la goutte d’eau aurait germé dans l’esprit du magnat Messier, grâce au travaux de Benveniste et sa théorie de la mémoire de l’eau. Selon elle, l’eau aurait la mémoire des mouvements qu’on lui donne :

Messier relisait les Evangiles à la lumière des sciences contemporaines. Il s’était beaucoup intéressé aux travaux de Benveniste sur la mémoire de l’eau. l’empreinte que le Christ avait laissée dans les eaux du Jourdain n’était peut-être pas seulement symbolique. La présence réelle de son corps dans l’hostie était quasiment démontrable. Il y avait d’ailleurs beaucoup de points communs entre l’homéopathie et les guérisons miraculeuses obtenues à Lourdes.

Etonnant, non ? Le Tryangle terminera sa démonstration sur cette magnifique théorie (en toute humilité). Dieu tombe, Dieu pleut, Dieu se boit. Avis aux assoiffés !